All Tomorrow Parties [Rv.]

Elie poussa un grognement, et sortit ses bouclettes noires de la couette. Puis, ses yeux noisettes scrutèrent la pièce dans laquelle il venait de se réveiller. Il sortit finalement le visage de la couette, et comprit qu'il était tout simplement dans son bungalow, allongé sur son lit, à commater depuis presque 5 heures. Elie regarda l'heure sur son portable, il était midi trente. En définitive, il venait de rater la séance plage qu'il s'était juré de faire. Passer l'après-midi à la plage, trop peu pour lui: c'était blindé de gens, de marmots bruyants... Non, vraiment, il détestait ça. Elie prit son courage à deux mains, s'extirpa hors de son lit, et se rua vers la douche. Il avait besoin de se réveiller à l'eau fraîche, sinon, il ne réussirait jamais à sortir de l'état second dans lequel il se trouvait. Le charmant Elie en sortit quinze minutes plus tards, ses cheveux bouclés étaient tout humides, et des goutelettes d'eau froide lui dégoulinaient dans le dos. Il attrapa un vieux pantalon noir coupe cigarette, une chemise Armani vintage blanche, et retourna finalement se poser sur le lit, histoire d'émerger doucement. Il attrapa un bouquin, The Virgin Suicides, de J. Eugenides, et l'ouvrit. Rien de tel qu'un peu de lecture pour commencer doucement la journée. Elie s'alluma tout de même une Marlboro, lire sans fumer, c'était carrément inconcevable.

Les pieds sur la table, la nuque fendue et le regard dans le ciel bleu, le jeune homme un verre d’eau à la main observait les nuages, un vague sourire aux lèvres. La main de Liam revenait systématiquement à sa bouche, tirant avec passion sur sa Malboro Light. La chaleur l’avait échevelé, il commençait même à respirer difficilement. C’était d’abord ça la vie de Liam Peterson, atteint d’asthme, il s’expose en plein soleil et fume une cigarette.
L’ennui le bercer lentement, le jeune homme se surprit même à compter les nuages. Il se leva, écrasa sa Malboro sous sa converse, enfila son t-shirt en lambeau qui dévoilait en partie son torse imberbe et partit dans l’allée. Le rythme de ses pas s’accéléra, martelant le sol de sable.
Après plusieurs mètres parcourut en courant, Liam s’immobilisa devant huit. Il détailla les deux ou trois bouteilles de bières se trouvant face à la porte, la guitare sur la petite table et l’odeur si particulière de l’habitant, un mélange de linges propres et de clopes.
Elie Andrews n’était pas un ami d’enfance ordinaire, il était bien plus que ça, il avait connu Liam dans toutes les situations et avait toujours réussi à l’aider, soit par son silence qui en disait long ou par ses multiples disputes avec le photographe. C’était en quelque sorte son journal intime. Liam lui disait tout, des multiples cauchemars sur l’alcool à ses amours volages. Mais leur amitié avait ça de spécial : elle était lunatique et colérique, subissant les nombreux coups bas des deux jeunes hommes. Mais après toutes ses années à vivre côté à côte, Elie et Liam ne purent jamais prendre deux chemins différents.
Le jeune homme s’avança lentement, passa sa main sur la poignée de la porte, et l’ouvrit. C’était d’abord ça la vie d’Elie Andrews, le danger passait avant tout par les détails : inviter les voleurs à rentrer chez sois en ne fermant jamais la porte.

« Ah, Boucles d’Ors a enfin émergeait de son sommeil ! »

Liam s’avança dans la petite roulotte bancale, ouvrit le réfrigérateur et un sourire se forma sur ses lèvres vermeilles quand il vit sa marque préférée d’eau minérale dans un des compartiments… Elie n’enchaînait que bières et soda.

Elie était moyennement captivé par son bouquin, quoiqu'il était d'écrit du manière remarquable. Objectivement, c'était très bien. Seulement, Elie était pensif. Il se demandait ce que Sum' pouvait bien faire, à ce moment précis. Etait-elle encore à Londres? Se prélassait-elle sur une plage française, italienne et espagnole? Enchaînait-elle elle aussi, fêtes sur fêtes? En tout cas, il aurait bien aimé avoir des nouvelles. Mais ce n'était pas le genre de la maison, définitivement pas. Summer était bien trop insaisissable pour daigner informer ses amis de ses activités. Elie tenta donc de se concentrer sur son livre, en vain. Il entendit soudainement la porte s'ouvrir, et aperçut Liam, qui lui lança une réplique donc lui seul avait le secret.

- Eh bien, je vois que Mister Monde est lui aussi dans une forme olympique. Elie et Liam étaient suffisamment proches pour se lancer des piques incessantes sans qu'elles soient offensantes. Il esquissa un sourire amusé, et remarqua que son ami se dirigeait vers le frigo, il en profita donc pour ajouter: Au passage, rends-toi utile et ramène moi un Coca.

Même s'il ne se l'avouait pas vraiment, Elie était plutôt content de voir son ami débarquer. Sa compagnie était toujours agréable - exceptés en période de crise - et ils n'avaient aucun secret l'un pour l'autre. Ils se connaissaient depuis tellement longtemps qu'Elie ne comptait plus les années. Liam était presque comme un frère pour lui, il était plus que son meilleur ennemi, à savoir: son meilleur ennemi. Les deux amis ne cessaient d'enchaîner relations complices et relations conflictuelles, et pouvaient en l'espace de deux secondes s'adorer ou se haïr. Cependant, tout se soldait toujours par une sorte de réconciliation. En somme, Elie ne pouvait pas se passer de Liam, ils se connaissaient depuis trop longtemps pour que leurs chemins se séparent...

Le sobriquet qu’employa la masse affalée sur le lit fit sourire le jeune homme face au frigo. Il emporta une cannette de coca et sa bouteille d’eau favorite, traversa le bungalow en évitant les multiples obstacles vestimentaires et se posa devant son ami. Accroupit, Liam mit les boissons derrière son dos et observa son ami. Son regard glissa sur la couverture du livre tenu dans les mains d’Elie. Virgin Suicides… Il devait penser à la fantastique, à la pétillante, à la merveilleuse Summer Bloomber. El’ ne cessait de conter à son ami les frasques provocatrices et arrogantes de la jeune femme mais il n’avait jamais présenté ses deux amis l’un à l’autre, peut-être qu’Elie avait peur qu’il le remplace, l’oublie, ou il ne voulait tout simplement pas mélanger amour et amitié. Quoi qu’il en soit, Liam la connaissait par cœur, connaissait tout de sa personnalité au mots qu’elle employait le plus souvent. Jamais il n’avait eu l’idée de forcer une rencontre.
Les paupières à demi-fermé, Elie était faussement concentré sur l’univers fantasque des sœurs tandis que Liam l’observait. Il cherchait le regard de son ami. Patientant quelques secondes, il finit par minauder :

« Dis… Je peux habiter ici ? »

Sa voix avait légèrement tremblé. Le visage de Liam avait soudainement prit une teinte sérieuse, il fit une petite moue pour adoucir sa demande. La vérité étant qu’il avait une sainte peur de la solitude, déréliction qui appelait sans cesse son passé et ses mauvaises habitudes. Haussant les sourcils, il murmura :

« Je ferais la vaisselle. »

Passant une main dans ses cheveux, il tendit la cannette de coca à El’.

Elie, moyennement réveillé, paraissait captivé par son bouquin. Il sentait bien que Liam cherchait son regard, et l'évitait, par pur goût du jeu. En effet, El' savait pertinemment que c'était parce qu'il avait quelque chose à lui demander. Lorsqu'il lui demanda s'il pouvait habiter avec lui, Elie ne put s'empêcher de lâcher un rire franc et spontané, et ferma son bouquin, avant de regarder son ami.

- Je le sentais venir...

Il prit un air faussement embarassé, et fit mine d'hésiter. A vrai dire, Elie et Liam se connaissaient tellement qu'il n'était pas certain que leur cohabitation se passe correctement. Ils avaient des caractères diamètralement opposés par certains aspects, et tellements similaires par d'autre que leurs deux personnalités étaient en générales explosives. Mais Elie avait le goût du risque, et lorsque Liam lui assura qu'il ferait la vaisselle - chose qu'il ne croyait qu'à moitié - il ne put s'empêcher de lui adresser un léger sourire.

- Allez, tu me fais pitié, je suis tenté d'accepter. Mais je te préviens, ramène pas de filles ici, je suis le seul à en avoir le droit. Je m'en fous, tu te débrouilles pour baisouiller ailleurs.

Il attrapa finalement la canette de Coca d'un air faussement résigné, et l'ouvrit, dans un "pshit" retentissant. Elie savait que son ami était plutôt un tombeur, et s'il commençait à empiéter sur son "territoire", cela l'agacerait, c'était certain. Après tout, ils étaient proches, mais n'avaient pas élevés les cochons ensemble. Quoique...
Elie avala une gorgée de coca fraîche, et lança finalement un regard amusé à son ami, toujours de son air pseudo-énervé.

Gardant son regard dans celui de son ami, à la façon dont le chat botté faisait fondre les cœurs, Liam émettait des sons plaintifs tel de petits gémissements. La réponse était une évidence même, on ne pouvait refuser ça à un complice, surtout quand celui ci était quasiment à genoux devant vous. Un sourire radieux se glissa sur les lèvres du jeune homme qui se mordit la lèvre avant d’envelopper le corps d’Elie par ses bras. Le taquiner était devenue une passion au fur et à mesure des années.

« Ca c’est un bon baba au rhum. »

Relâchant son étreinte, il ouvrit sa bouteille d’eau et engloutit les trois quarts. Le jeune homme lança un regard par la fenêtre. L’envie d’emporter son matelas aujourd’hui ne lui disait rien, il préférait faire un bouquant monstre le lendemain soir, histoire de se mettre directement les voisins à dos. Parce qu’il avait toujours eu des relations conflictuelles avec les personnes adjacentes à son terrain, depuis la nuit des temps : à l’âge avec tendre de six ans, il avait eu ~~la mauvaise~~ l’excellente idée d’envoyer des œufs sur la terrasse de ses voisins… S’adossant au lit de son ami, il cambra la nuque et regarda avec amertume son nouveau rival.

« Tu veux que je reste seul et en dépression pour le restant de ma vie, que je finisse mort dans ma cuisine dans cinquante ans, et que les premiers à me découvrir seront mes dix-huit chats qui commenceront à se nourrir de ma chair flétrie ? », Liam se retourna sur lui-même quand une étincelle vint briller dans ses yeux. Il partit et revint aussi vite, un papier et un stylo dans les mains : « Très bien, nous aurons des règles à respecter. » Le jeune homme tendit la feuille et le crayon à Elie, un vague sourire aux lèvres.

Elie grommela lorsque son ami l'entoura de ses bras pour le serrer contre lui dans une étreinte amicale dont il se serait bien passé. Il avait du mal avec ce genre de démonstration d'affection, mais malgré tout, il ne pouvait pas nier que cela lui faisait un tant soit peu plaisir.
Finalement Liam desserra son étreinte, et Elie put s'allumer une nouvelle Marlboro, qu'il fuma lentement et avec déléctation.

- Ca, ce n'est plus de mon ressort. Il esquissa un sourire taquin, tira sur sa cigarette, et remarqua immédiatement que Liam avait les yeux pétillants. Arg, il avait forcément une nouvelle idée idiote à lui soumettre.

Finalement, il revint vers lui, papier et stylo aux mains, avant de lui déclarer qu'ils n'avaient qu'à fixer des règles. Blah, Elie n'était franchement le genre de garçon à répondre à des règles. Enfin bon, s'il voulait vivre à peu près correctement, sans que Liam ne lui pourrisse la vie, mieux valait-il édicter quelques règles de bases. El' connaissait trop bien Liam que sans ça, il se permettrait tout. Il attrapa ce que Liam lui tendait d'un air légèrement amer, et répliqua:

- Donc, règle numéro 1: JE suis le seul à pouvoir ramener des filles ici. Toi, tu te démerdes, vas aux toilettes du camping ou dans les fougères, je veux pas en entendre parler. Règle numéro 2: Tu t'occupes de toutes les tâches ménagères, à défaut de payer le loyer avec moi.

Elie esquissa un léger sourire satisfait, et fixa son ami pour tenter de percevoir une réaction de sa part. Il était légèrement exigeant, certes, mais c'était la moindre des choses lorsqu'on voulait vivre en communauté.

Reposant sa tête contre le matelas (puant) d’Elie, le jeune homme regardait avec méfiance les mots que formait son ami. Il savait très bien, pour sa part, que ce bout de papier n’allait en aucun cas jouer sur sa vie, et si jamais le musicien situé face à lui prenait ça au sérieux, il devait connaître suffisamment bien son ami pour savoir que pour lui, les règles étaient faites pour être transgressées. Liam aimait à regarder les lettres charismatiques d’Elie, tout était très vague, rond, le jeune homme possédait une écriture féminine. Ses yeux s’écarquillèrent soudainement, et d’une voix étranglée, il rugit :

« Non, j’ai le droit a une vie sexuelle sur un matelas et dans un endroit convenable ! Et souviens-toi, tu as dis « oui » ce qui fait que ce bungalow est loué aussi bien par toi que par moi. » Un fin clin d’œil envoyé à son ami et Liam se mit à rire. « Je te propose autre chose. »

S’emparant du bout de papier et du stylo, le jeune homme grimpa sur le lit et s’appuya contre le mur, posa la feuille sur sa cuisse et se mit à écrire. Un sourire malicieux se forma sur ses lèvres, ce genre de sourire devait faire peur à son complice.

« Règle 1 : si conquête amoureuse et/ou sexuelle il y a par habitant A, A devra placer sur la poignée de la porte un foulard rouge.
Règle 2 : Liam Peterson s’engage sur l’honneur qui lui reste à faire son possible pour que l’espace n°008 du camping The Siren reste vivable.
Règle 3 : Les courses devront être faite semaine 1 par habitant A (Elie Andrews), semaine 2 par habitant B (Liam Peterson). »

D’un geste souple de la main, le jeune homme signa sous les quelques phrases qu’il venait d’écrire, puis, il tendit avec un sourire ravi la charte à son ami.

Elie soupira en entendant la réaction de Liam, évidemment, il fallait qu'il trouve à y redire. C'était simple, il suffisait qu'Elie clame quelque chose pour que son ami le contredise, il adorait ça.
Depuis toujours, ils oscillaient entre une relation franchement fraternelle - qui pouvait parfois virer en guerre fratricide - et entre une relation conflictuelle et chaotique. Chaque détail pouvait prendre des proportions inconsidérées, et notamment lorsqu'il s'agissait de filles. D'ailleurs, Elie n'avait toujours pas présenté Summer à Liam. Elle était son trésor, et il ne voulait la garder pour lui, et lui seul. Finalement, il avait du mal à faire confiance à son ami. Triste constat...
Finalement, Elie attrapa le bout de papier, où Liam avait griffoné trois règles, et lâcha un léger grognement en lisant les règles. Il regrettait presque d'avoir accepté la cohabitation avec son ami.

- Pff, pourquoi j'ai accepté, hein? Je vivais une vie tranquille jusque là... Et étonnamment j'ai le sentiment que tu vas sérieusement me faire chier. Il est trop tard pour faire marche-arrière je suppose...

Lâcha finalement El', avec un léger sourire aux lèvres. Il avait beau faire son mec grognon, son ours mal léché, il n'était pas mécontent d'avoir un colocataire. En ce moment, Elie avait tendance à s'ennuyer ferme. Au moins, ce ne serait plus le cas. Il pris un air faussement hésitant, soupira, et signa finalement la ridicule charte d'un geste rapide. Sa signature était presque élégante, et son écriture franchement régulière et gracieuse - contrairement à Liam, qui écrivait comme un gamin de 6 ans.
Elie lança un regard résigné à son ami, passa la main dans ses boucles noires, et se retourna finalement, pour attraper un petit objet métallique dans le tiroir de ce qui ressemblait vaguement à une table de nuit. Il tendit donc à Liam un trousseau de clé. Fort heureusement, l'accueil du camping avait jugé préférable de prendre les devant et de confier à Elie deux trousseaux.

- Et je te préviens, t'as pas intérêt à le perdre. Compte pas sur moi pour te dépanner.